Le jeu de peindre, est un atelier de peinture original et unique crée par Arno Stern depuis 1950. Il est le fruit de longues recherches au sein de son propre atelier et de la mise en place d’un cadre précis.

table palette

A l’abri des regards, dans un cocon au dehors de l’agitation quotidienne, se trouve au centre de la pièce, la « table-palette ». Chaque couleur y est disposée dans un ordre immuable. Cette constance permet un sentiment de sécurité, une perception rassurante du lieu d’expression. Savoir où chercher et poser les pinceaux dédiés à chaque couleur, sans perdre le fil de ses idées, favorise la concentration du joueur.

Les productions ne sont exposées ni aux proches, ni à un public extérieur. Le joueur n’a donc pas la tentation de séduire, ni de relater nécessairement le réel. Il est libre de peindre le choix de son sujet tel qu’il l’entend. L’imaginaire reprend naturellement sa place !

Sans directives initiales, il retrouve la spontanéité du geste. La peinture se vit comme une aventure, au temps présent (valable également pour l’argile proposé au sein de ces ateliers).

mur tissé des traces de chacun

Les murs sont recouverts de krafts sur lesquels les joueurs viennent punaiser leur propre feuille. Au fil du temps, un tissage de traces s’y dessine, inscrivant ainsi chaque participant dans l’histoire de l’atelier.

Le joueur n’est pas entravé par l’espace ; On ajoute des feuilles au-dessus, en-dessous, à droite, à gauche tant qu’il n’a pas décidé que sa peinture est terminée. Escabeaux, tabourets sont mis à sa disposition, au service de ses besoins.

Le joueur se déplace de sa feuille à la table palette.

La posture physique agrandit son champ d’action. Il peint debout, face au mur, bien ancré sur ses deux pieds, en position verticale et droite. Le mouvement est ainsi ample, le geste libre et le regard ouvert. Son espace est réparti entre l’espace commun autour de la table palette et son espace personnel qu’est sa feuille. Il navigue entre les deux, progressant ainsi simultanément dans le groupe et dans son intimité.

Le participant toujours vertical tend progressivement vers une concentration accrue, une précision du geste, une affirmation de sa personnalité, une immersion du corps dans son travail.

Le jeu de peindre se déroule au temps présent, l’imaginaire s’intensifie avec la spontanéité de la trace. La trace répond aux nécessités profondes du participant : jouissance du tracé pour les tous petits, besoin de comprendre les mécanismes du monde pour les plus grands, densité et expansion du geste graphique pour les adultes.

Le participant ne peint pas avec ses doigts mais avec un pinceau, tenu délicatement à l’horizontale. Les coulures ne sont pas le fruit du hasard, elles sont progressivement dominées. Cette rigueur envers soi développe le plaisir du geste précis et de l’outil maîtrisé.

La pédagogie

Le jeu de peindre à un intérêt pédagogique à plusieurs égards

  • Apprendre la patience et le vivre ensemble.
  • Etre libre de faire ses propres choix.
  • Vivre pleinement son intimité.
  • Accéder à une concentration accrue.
  • Goûter au plaisir du geste et à la liberté de s’exprimer.
  • Oser l’espace, le grand, l’expansion.
  • Impliquer le corps et le mouvement dans le processus de création.
  • Apprendre progressivement la précision du geste.
  • S’extraire un temps de la compétitivité et de l’agitation du monde dans un espace privilégié.

La table palette est un espace autour duquel se rencontrent les joueurs. Ils développent la patience en partageant tour à tour les pinceaux affectés aux différentes couleurs. Ils apprennent à être attentif aux mélanges des couleurs, ne pas souiller chaque pinceau en le reposant à sa place respective. S’ils veulent trouver des pinceaux en bon état, ils doivent en prendre soin pour eux et pour les autres… La terre sèche vite, il faut donc bien la remettre dans un bac et fermer le couvercle. Tous ces petits gestes contribuent au bon fonctionnement de l’atelier et au confort de chacun.

Le calme dépend de chacun, il favorise la concentration et l’intimité de chacun dans l’acte de création. La joie, l’enthousiasme provient des échanges, de l’amitié, de la satisfaction d’être appliqué à sa tâche et de la virtuosité des gestes. La disponibilité des matériaux et des outils concourent à la fluidité du geste créateur.

La liberté s’exprime en partie dans le corps, les grands formats déploient la sensation de grandeur, d’extension, d’ouverture. Escabeaux, coussins et tabourets contribuent à la conscience de l’équilibre et de l’ancrage. C’est donc un facteur essentiel pour la proprioception des petits et des grands. Plus la pratique est régulière, plus le geste se précise, l’imaginaire s’amplifie et le risque de coulures est maîtrisé. c’est pourquoi les premières séances peuvent être déroutantes, mais il est enrichissant de persévérer.

Experience commune

  • Un espace poétique loin des agitations du monde.
  • Une grande liberté d’être soi.
  • La joie de vivre et de créer au sein d’un groupe. 
  • Un temps pour soi, pour son intimité, accorder du soin à l’imaginaire.
  • Une bulle en dehors des objets numériques.

Pour les tout petits:

  • Acquisition progressive d’une motricité fine
  • prépare aux gestes de l’écriture par la manipulation précise du pinceau.
  • Appropriation globale du corps et de l’espace.
  • plaisir de créer librement favorable au développement de soi et de la créativité.
  • La posture verticale (debout) pour peindre face au mur, les deux pieds bien au sol favorise un bon encrage.
  • L’ajout de feuilles et la mise disposition d’escabeaux permettent de grands formats.
  • Apprentissage du savoir vivre ensemble autour de la table palette commune à tous les joueurs.

Pour Les moyens et les plus grands:

  • Un espace en dehors du zapping.
  • Une construction progressive de son intimité : un espace à soi parmi les autres.
  • Une liberté d’expression sans jugement, sans regard extérieur.
  • Une rencontre poétique dans un espace original qui lui est propice.
  • La confiance en soi.
  • La satisfaction de mener un projet à terme et du geste maitrisé.

Pour les adultes: 

  • Retrouver ou entretenir le goût de jouer.
  • Une rencontre poétique dans un espace original qui lui est propice.
  • Un temps pour soi, où pour se surprendre en dehors des injonctions de performance.

Si je ne donne ni directives, ni conseils, à quoi donc puis-je servir ?

Mon rôle pratique:

Le servant du jeu de peindre

  • Prépare l’atelier afin que chacun y trouve sa place et sa peinture en y entrant.
  • Accroche les feuilles au murs à l’aide de punaises.
  • Observe les besoins de chacun et dispose tabourets, escabeaux, selon les besoins.
  • Réapprovisionne les couleurs dans les gobelets.
  • Crée les mélanges de couleurs souhaitées.
  • Rince les pinceaux accidentellement mélangés à d’autres couleurs.
  • Range les peintures abouties de chaque joueur dans un dossier personnel.

Mon rôle moral :

  • Avec bienveillance, je veille au bon fonctionnement de l’atelier et au calme.
  • J’écoute et observe attentivement les besoins de chacun et tente de les satisfaire.
  • Je photographie chaque peinture et chaque création d’argile pour en garder une trace.

Ce rôle contribue à ne pas donner de jugement aux créations. Concentrée sur le bien être de chaque joueur, sur son développement, je l’encourage à aller plus loin, à se positionner correctement pour un geste plus ample, à bien tenir son pinceau pour plus de précision. J’anticipe ses besoins de tabouret, échelle, déplacement de punaise, si bien, qu’il n’a pas d’autre préoccupation que de peindre ! Ma parole est orientée vers l’encouragement et la pédagogie.